L'Agriculteur de l'Aisne 22 décembre 2020 a 14h00 | Par Gaetane Trichet

La construction et la rénovation à paille : vers une nouvelle filière agricole

La construction et la rénovation à base de paille passe à l'acte dans l'Aisne. Une étude de marché, une nouvelle usine de production, des surfaces agricoles, tous les éléments sont réunis pour faire émerger une filière durable.

Abonnez-vous Reagir Imprimer

Aisne Avenir (Chambre d'agriculture, Chambre de commerce et d'industrie, Chambre de métiers et de l'artisanat) s'engage autour des acteurs locaux afin de développer la filière paille pour l'isolation dans le département. C'est qu'ont expliqué Olivier Jacob, président d'Aisne Avenir et de la Chambre de commerce et d'industrie, Robert Boitelle, président de la Chambre d'agriculture, et Hervé Catrain, membre de la Chambre de métiers et de l'artisanat lors de l'assemblée générale le 7 décembre à Laon. «La paille fait partie des projets innovants en matière de construction» a expliqué Coralie Di Bartolomeo, chargée de mission à la Chambre d'agriculture de l'Aisne. «Dans le département, le parc immobilier vieillissant représente un chantier aux enjeux multiples sur les plans économiques, environnementaux, énergétiques, mais aussi en termes de qualité de vie. Aujourd'hui, le développement au niveau départemental, d'une filière de rénovation et de construction à partir de matériaux bio-sourcés trouve tout son sens. L'enjeu d'un tel projet consiste à développer dans l'Aisne, de l'activité économique et de l'emploi dans le secteur des composants pour le bâtiment intégrant les critères du développement durable. Ce nouveau débouché est une bonne nouvelle pour les agriculteurs» a-t'elle expliqué. «Il est  possible d'exporter des pailles tout en conservant les stocks de matière organiques des sols pour répondre à l'émergence des biomatériaux.  Dans l'Aisne, nous avons les surfaces potentielles en paille de blé avec l'objectif d'utiliser les coproduits et non pas aller sur une culture dédiée»... sauf si la demande croissait de façon exponentielle. «Notre objectif est également de répondre aux attentes du marché sans pour autant réduire les besoins en paille des éleveurs» a précisé Coralie Di Bartolomeo.

Selon les premières études réalisées par la Chambre d'agriculture, le potentiel est là tout comme le marché. Déjà, l'OPAL (office public d'aménagement et de construction de l'Aisne) s'est engagé sur le sujet en construisant d'un côté des logements à Anizy-le-Château et à Fère-en-Tardenois avec ossature bois et un remplissage paille et de l'autre a fait rénover et réhabiliter des bâtiments avec des matériaux biosourcés.

Pour aller plus loin, une étude de marché complète vient d'être lancée. Elle doit définir le marché, analyser la demande, l'offre et l'environnement sous différents axes stratégiques politique, économique, social, technologique, écologique et juridique. Elle devrait être livrée pour juillet 2021. «L'objectif final de cette étude est de doter le territoire d'un outil d'aide à la décision pour convaincre les acteurs  et les investisseurs du territoire de participer au financement, à la structuration et à la promotion de la filière dans le respect de la complémentarité entre les différentes filières».

- © L'agriculteur de l'Aisne - GT

Du Petit Ballot à Activ Paille

En 2017, Adrien Cardon, agriculteur à Remaucourt, a créé la SARL Le Petit Ballot pour produire du fourrage paille et foin à destination des particuliers et des professionnels. Dès 2019, le développement de l'entreprise se fait autour de la fourniture de paille pour la construction ainsi que la vente en ligne. Adrien Cardon rencontre Arnaud Delobel, et tous les deux se rapprochent de la société Activ Home qui développe et commercialise un procédé de fabrication industrielle d'éléments préfabriqués ossatures en bois et paille. Pour faire de l'isolation à partir de ballots de paille, il faut respecter des normes bien spécifiques. Les dimensions à respecter sont pour la hauteur 37 cm, 47 cm pour la profondeur et 90 cm pour la longueur. Les ballots doivent peser environ 15 kg et présenter une certaine densité pour obtenir une performance thermique de 7,1 m2 KW pour 37 cm d'épaisseur. Cela leur confère naturellement une résistance au feu. La teneur en eau sur poids sec de la paille doit être inférieure à 20 %.

Un nouveau projet voit le jour en juillet 2020 : Activ Paille qui a pour vocation de développer la construction paille dans les Hauts-de-France avec une filière locale et durable. «Nous pouvons produire un mur préfabriqué en bois et en paille qui s'adapte aux demandes qu'elles soient individuelles, collectives ou industrielles. Ce process de fabrication démocratise la construction paille. Elle fait entrer directement le concept en concurrence avec le béton et séduit les professionnels».

Si en France et en Hauts-de-France, la construction paille est déjà en route, «l'idée dans l'Aisne, c'est que tous les producteurs puissent profiter de la dynamique, travailler au niveau local et dégager de la valeur ajoutée sur le territoire». Activ Paille doit être l'élément fédérateur sur la conception, la réalisation, le bois et la fourniture de pailles par les agriculteurs. «Notre but, c'est de sécuriser nos approvisionnements sur l'année en mettant en face, des contrats avec les agriculteurs» ont expliqué les deux jeunes entrepreneurs.

Les intérêts de la maison en paille ? Ecologique, car c'est un excellent isolant thermique tant en été qu'en hiver, et économique.  «La provenance de la paille est importante, il faut favoriser au maximum les circuits courts pour ce matériau local, éco-responsable et bénéfique pour l'économie départementale». Un projet à encourager Activ Paille se base sur une production de 40 000 m2 de panneaux, soit 80 000 bottes de paille pour son unité de production. «Cela correspond à 320 ha à presser, ramasser et stocker». Il s'agit là d'une première estimation, l'entreprise voulant par la suite s'orienter vers un développement régional élargi aux pays voisins. La construction paille est donc un nouveau débouché pour les agriculteurs qui pourront bénéficier d'une formation afin de respecter un cahier des charges précis. Car pour faire de l'isolation de ballots, il faut respecter des normes bien spécifiques. Une fois récoltée, la paille n'est pas traitée, on n'y ajoute pas de liant, pas de solvants, ni produits chimiques.

«La réussite d'un tel projet territorial implique la mobilisation des acteurs de toute la filière : des acteurs agricoles pour l'organisation de la production de matière première, jusqu'aux acteurs du logement pour l'évaluation des débouchés, en passant par les acteurs de la conception, de la transformation, de la mise en oeuvre et de la formation. Aujourd'hui, il est important de pousser ce genre de projet qui allie agriculture, artisanat, industrie et qui est soucieux de l'environnement» ont conclu Olivier Jacob, Robert Boitelle et Hervé Catrain.

Des aides financières peuvent être octroyées pour la construction paille, comme par exemple, dans le cadre du plan de relance des entreprises et des collectivités, des crédits d’impôts ou encore des prêts «verts». Renseignements auprès de la Chambre d’Agriculture de l’Aisne, 03.23.22.50.38.

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Agriculteur de l'Aisne se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,

L'Agriculteur de l'Aisne
La couverture du journal L'Agriculteur de l'Aisne n°2338 | septembre 2023

Dernier numéro
N° 2338 | septembre 2023

Edition de la semaineAnciens numérosABONNEZ-VOUS