L'Agriculteur de l'Aisne 22 septembre 2023 a 13h00 | Par Christophe Soulard

Énergies renouvelables : «L’ignorance fait peur»

«Production d’énergie : quelle acceptabilité sociétale ?». Tel était la table-ronde que l’association des communicants agricoles (Syrpa) et celle des Agriculteurs de Bretagne ont organisé sur le salon international de l’élevage (Space) le 13 septembre.

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Les recours administratifs et judiciaires ne cessent de se multiplier, ses dernières années, à l’encontre des agriculteurs qui souhaitent diversifier leur exploitation et obtenir des compléments de revenu en développant des énergies renouvelables : agrivoltaïsme et méthanisation essentiellement. Entre les grandes déclarations d’intention et la réalité du terrain, il existe un immense décalage ont acquiescé les différents intervenants de la table-ronde. En fait, les riverains des agriculteurs sont frappés du syndrome Nimby (Never in my back yard – «pas de ça chez moi») qui se traduit par l’acceptation générale de l’énergie solaire ou du gaz issu de la méthanisation mais surtout pas les installations près de chez moi. Cela vaut aussi bien pour les projets individuels que collectifs. Les frictions sont nombreuses «notamment quand on dit qu’on va produire du maïs pour le mettre directement dans le méthaniseur», a expliqué Isabelle Le Callenec, maire de Vitré et présidente de Vitré Communauté.

«Créer de la confiance»

Ce qu’il faut avant tout, c’est «dialoguer et partager le projet» avec la collectivité au sens générique, insiste Philippe Vervier, ancien directeur de recherche au CNRS et dirigeant de la société Acceptables avenir. C’est ce qu’a confirmé Stéphane Letué, directeur des Fermiers de Janzé et directeur du site de méthanisation Enerfées. «Avant la concertation, on a monté le projet autour du sens et des bénéfices qu’il pouvait donner à la collectivité, en s’entourant d’experts divers : en technique et en communication», a-t-il témoigné. Pour lui et ses associés, il n’était pas non plus question d’organiser des réunions publiques, «car c’est ici le moyen de créer une ou des associations d’opposants. On a donc fait du porte-à-porte avant la réunion publique et pris le temps d’expliquer», a-t-il ajouté. Pour Philippe Vervier, «il faut, en plus, être dans une démarche de sincérité, être à l’écoute et ne pas être figé sur le projet». Autrement dit, dès le départ, «il faut impliquer les parties prenantes pour créer de la confiance (…) et avoir une écoute sincère». Ce qui suppose que les porteurs de projets devront parfois lâcher du lest, faire bouger les lignes, renoncer à certains points  mais sans forcément dire oui à tout et à tout le monde.

 

«L’ignorance fait peur»

Mais que faire contre les personnes qui, quoi qu’on dise, seront systématiquement opposées au projet, par idéologie et dogmatisme ? Dans ce domaine, il n’y a pas de réponse toute faite, mais peut-être une méthode à mettre en place. S’appuyant sur sa propre expérience, la maire de Vitré a développé l’idée de séquencer la communication du projet. Informer, consulter, concerter et coconstruire. L’idée de départ, pour faire accepter un projet de méthanisation dans la Communauté de communes de Vitré a été d’impliquer les directions administratives de la préfecture (DDTM et DREAL*) puis de faire visiter l’exploitation et de présenter le projet… à ceux qui le souhaitaient. «Les opposants sont venus et ça en est resté là», a témoigné Isabelle Le Callenec. La révolte a été tuée dans l’œuf. «L’ignorance fait peur», a expliqué François Trubert qui a en quelque sorte tué a vu les arguments des opposants fondre comme neige au soleil quand il a expliqué qu’il y avait «plus de gaz stocké» au Carrefour market de son village «que sur son exploitation». Cependant, face au silence des politiques, il est parfois compliqué de faire avancer un dossier «c’est pire que d’avoir des opposants» a soufflé François Trubert. Si la pédagogie, écoute, sincérité et le dialogue restent des valeurs, il ne faut pas être trop naïf, a expliqué en substance l’avocat Thimothée Dufour qui a pointé que l’acceptation sociale pouvait être une façade pour mieux contester les projets une fois réalisés sur les troubles du voisinage (odeur, bruit, vue…) et ceci malgré la loi du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes française. En somme, la vigilance est de mise à tous les étages.

(*) Direction départementale des territoires et de la mer / Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement.

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