L'Agriculteur de l'Aisne 17 novembre 2021 a 17h00 | Par Actuagri

«Biogate : Pour en finir avec l’utopie du bio»

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«Il est temps d’en finir avec l’utopie du bio qui flirte dangereusement avec la filouterie généralisée». Voici l’une des nombreuses phrases choc que l’auteur, François Grudet, écrit dans un livre à charge contre l’agriculture biologique. Pourquoi ? Pour un tas de bonnes raisons pourrait-on dire. Pour résumer, selon lui, tout est faux dans le bio. Tout d’abord ce mode de production n’est soumis qu’à des «contraintes et obligations en termes de moyens… pas de résultats». Ensuite parce que les produits bios, contrairement aux produits issus de l’agriculture conventionnelle, «ne sont pas soumis à la réglementation sur les limites maximales de résidus», les fameuses LMR. Parce que cette agriculture ne serait finalement qu’un leurre. Preuves à l’appui, il indique que l’Union européenne autorise 327 produits chimiques ou de synthèse que les producteurs de bio utilisent couramment. Il dénonce la réglementation cadre CE 834/2007 qui permet aux producteurs biologiques d’utiliser des produits phytopharmaceutiques «en cas de danger immédiat pour une culture». Il met également en évidence les différences de traitement entre les pays européens et les produits utilisés comme l’azadirachtine issue du margousier indien, le tourteau de ricin ou encore le sulfate de cuivre. D’ailleurs de nombreux agriculteurs n’ont-ils pas arrêté leurs productions en bio parce que le cuivre, réputé naturel, est bien trop polluant pour les sols ? Les exemples sont légions, notamment dans la viticulture. De même s’interroge-t-il sur l’emploi des pesticides classés bio, en particulier le pyrèthre de Dalmatie dont l’usage reconnu est selon lui «nocif» envers… les abeilles et les coccinelles. Il est vrai que certains produits dits naturels sont plus agressifs, plus puissants et tout aussi mortels que certains produits issus de la chimie.

Pour celui qui a été affublé des surnoms de «fou qui tourne en rond» et de «Roi de la carotte», le bio sacrifie aussi aux dures lois du business.

Ce livre fort instructif est scindé en deux parties : la première, plus historique et intime donnant une légitimité à l’auteur et la seconde plus analytique et argumentée lui conférant une sorte de crédibilité à s’exprimer sur le sujet. François Grudet né dans une famille beauceronne a vécu dans «une ferme à cailloux et à chiendent» et multiplié les expériences agricoles.  Il a acheté des terres forestières qui avaient brûlé pour les transformer en exploitation agricole. Plus tard, il rachète d’autres terres qui ont été ravagées par le gel en 1982. Objectif : en faire une ferme modèle «où l’on cultiverait exclusivement en rond ou en spirale». En marge de cette activité, il crée des entreprises agricoles qu’il tente, avec plus ou moins de bonheur, de développer à l’international. Ce qui l’amène à fréquenter, dans les années 80, le colonel Kadhafi qui rêve d’un désert vert. Il parvient ainsi à faire du blé dans le Sahara avec, dès la première année, un rendement de 36 quintaux par ha et des pointes à 70 quand la moyenne française avoisinait 47 qx/ha ! La seconde partie s’intéresse à démontrer «l’utopie du bio» et démonter ce mode de production qu’il résume avec quelques «punchlines», des phrases choc : «Le bio c’est éthique et toc, de la mise en scène». Il tance le temps laissé (un mois) aux agriculteurs bio pour s’organiser avant le passage des organismes de contrôle. Il s’inquiète des « chiffres biaisés de l’Agence bio » car ils ne tiennent pas compte de deux facteurs : tout d’abord les conséquences des importations massives de la France en produits bio ; ensuite le prix du bio étant le double que celui du conventionnel, mais vendu, il pèse quand même dans la balance commerciale. Il semble en vouloir à l’Organisation de certification mondiale bio (Demeter) qui est «à l’agriculture ce que le Feng shui est à la décoration». François Grudet, dont le ton oscille entre sincérité et amertume, termine son propos par un plaidoyer (mais pas une ode) en faveur de l’agriculture raisonnée et des bonnes pratiques agricoles, une méthode plus sûre car plus contrôlée, allant jusqu’à proposer une «agriculture santé» dont il décompose des tenants et aboutissants dans une charte. Au-delà du propos vindicatif mais argumenté, on se rend compte que la gestion du vivant est une chose complexe.

François Grudet – Biogate, pour en finir avec l’utopie du bio

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