L'Agriculteur de l'Aisne 06 septembre 2010 a 11h57 | Par Oise agricole

Les aléas climatiques facteurs de changements régionaux

Une étude de l’Inra sur les conséquences prévisibles du réchauffement climatique pour les activités agricoles.

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A l’échelle de la France, le niveau de production agricole devrait se maintenir au cours du siècle malgré le réchauffement climatique. En revanche, localement, la vigne, le maïs ou encore le pin pourraient souffrir de la sécheresse et de l’augmentation des températures. La répartition géographique des cultures pourrait donc évoluer pour s’adapter. Les conclusions du projet de recherche Climator, mené par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), apportent des éléments de réponse sur l’influence du changement climatique sur les productions végétales. Le paysage agricole français pourrait être redessiné par le réchauffement climatique dans le siècle à venir. C’est ce que montrent les résultats du programme de recherche Climator sur l’impact du changement climatique sur les systèmes agricoles et forestiers, présentés lors d’un colloque à Versailles les 17 et 18 juin. Ce travail est le fruit de trois ans d’études réalisées sur 13 sites dans l’Hexagone et outre-mer, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et mené entre autres par l’Inra, Arvalis et Météo France. De manière générale, à l’échelle de la France, toutes les espèces étudiées (grandes cultures, vigne, forêt, prairies) devraient pouvoir continuer à être cultivées, selon le scénario moyen du Giec (+1,6°C en 2050, +3°C en 2100). Avec la variété génétique actuelle – et à venir –, il sera possible d’adapter les cultures. Par contre, c’est à l’échelle régionale que risquent de se faire sentir des changements importants. Il deviendra par exemple difficile de continuer à produire du maïs dans le Sud-Ouest mais cette culture pourra se développer plus au nord. «On ne peut pas tirer de recommandation de ce travail», a tenu à préciser Nadine Brisson, directrice de recherche à l’Inra d’Avignon et coordinatrice du programme. Mais il révèle de grandes tendances qui peuvent servir de base à des travaux en région». Cycle raccourci Entre la baisse des précipitations (surtout sur l’ouest de la France) et la hausse des températures qui favorise la transpiration des plantes, les chercheurs prévoient que le bilan hydrique va se creuser de plus en plus ces prochaines décennies. La hausse des températures va également accélérer le cycle des cultures annuelles et de la vigne avec des conséquences sur la précocité des stades de développement des plantes. En même temps, ce raccourcissement du cycle signifie moins de temps pour accumuler le rayonnement solaire et fixer du carbone et donc une production moindre. Certaines plantes annuelles, les cultures de printemps notamment, pourraient connaître un fort raccourcissement de la période de remplissage des grains. Au moins un point positif : l’augmentation de la teneur en CO2 de l’atmosphère va stimuler la croissance des plantes. Grandes cultures : des conséquences variables selon les espèces Les rendements de blé d’hiver devraient, au final, connaître une légère hausse, surtout dans l’est de la France. En effet la dégradation du remplissage du grain serait compensée par l’augmentation du nombre de grains au m2. La même tendance est attendue pour le colza qui comme le blé profiterait de la diminution des gels hivernaux. Par manque d’eau, et malgré l’irrigation, la production de maïs grain est, quant à elle, appelée à diminuer dans ses grandes régions de production actuelles. Mais de nouvelles régions plus fraîches pourraient accueillir cette culture. «Si elle réagit, la filière pourrait même en tirer profit», estime Nadine Brisson. Le sorgho grain devrait aussi voir sa production diminuer mais comme il est assez résistant à la sécheresse, son niveau de production pourrait avec de l’irrigation se rapprocher de celui du maïs. Baisse de la production du pin maritime Pour la vigne, c’est la qualité des raisins qui risque de souffrir. Car les températures nocturnes jouent un rôle très important sur la teneur en sucre des grains. Mais comme pour le maïs, de nouvelles zones de cultures pourraient être libérées. «Du point de vue climatique, Colmar, Versailles ou Rennes pourront envisager la culture du merlot (cépage surtout planté dans le Bordelais) sans plus de risque qu’à Bordeaux dans la période actuelle», soulignent les chercheurs dans leur rapport. Le rendement des fourrages devrait stagner, la sécheresse estivale étant compensée par l’allongement de la période d’activité. Enfin, pour les conifères, le manque d’eau se fera cruellement ressentir. La culture du pin maritime dans le Sud-Ouest pourrait donc être fortement touchée. Avancer les dates de semis Pour les cultures pérennes, seule l’amélioration du matériel génétique pourra permettre une adaptation. Quant aux grandes cultures, les chercheurs recommandent de privilégier les cultures d’hiver, pour esquiver les périodes de sécheresse. L’avancée de la date de semis peut aussi apporter des résultats positifs, notamment pour le blé et le tournesol. «D’autant que le raccourcissement des cycles de croissance libère du temps pendant les intercultures qui peut être mis à profit», explique David Gouache, agronome à Arvalis. Par exemple, le maïs en rotation avec des cultures d’hiver serait envisageable en Alsace ou dans le Sud-Ouest aquitain. Mais l’avancement des dates de semis implique de nouvelles contraintes comme une germination plus aléatoire faute d’eau en quantité suffisante dans la couche superficielle du sol. De nouvelles pratiques culturales sont donc à imaginer. Tous ces résultats demandent à être précisés. Une chose est sûre : chaque région devra faire des choix stratégiques dans la redistribution des cartes qui s’annonce.

La «bio» pourrait tirer profit du réchauffement climatique ! Selon les résultats obtenus par le projet de recherche Climator (ANR) présentés les 17 et 18 juin, le réchauffement climatique ne devrait pas défavoriser la production du blé cultivé en agriculture biologique dans les décennies à venir. La différence entre cultures biologiques et conventionnelles tendrait même à diminuer. Par contre l’augmentation de variabilité des rendements pourrait dans un futur lointain (2070-2100) fragiliser cette production. Par ailleurs, compte tenu de l’augmentation de l’absorption d’azote par les plantes (stimulée par la hausse des températures), «on peut s’attendre à la teneur en protéines du blé bio» dans les zones céréalières du Nord, constatent les chercheurs. Alors qu’en agriculture conventionnelle la tendance est plutôt à une baisse de la teneur en protéines du blé.

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