Les 200 mots de l'agriculture - «Il est indispensable de faire la relation du champs à l’assiette»
Comment l’agriculture est-elle perçue par les consommateurs ? Pour répondre à cette question, plus de 200 mots ont été soumis à leur appréciation. Il en ressort une vision plutôt positive. Entretien avec l’instigateur de cette étude, le sociologue Denis Muzet.

Au regard de cette étude, l’agriculture est-elle perçue réellement positivement pas les Français ?
Denis Muzet : C’est indéniable, les Français aiment l’agriculture car beaucoup sont issus d’un monde agricole. Il existe une relation pérenne entre l’agriculteur et le consommateur, on peut le voir par les mots «agriculture» et «agriculteur» notés très positivement. A contrario, hausse des prix, spéculation, grande distribution, uniformisation du goût sont des mots très mal perçus. Par ailleurs, les consommateurs regrettent les évolutions du monde agricole. Ils sont attachés à l’image d’Epinal comme si l’agriculture avait échappé à la modernité. Il existe une cohabitation de la vision de l’agriculteur dans les champs qui renvoie à nos grands-parents et une image moderne où l’exploitant téléphone avec son portable sur son tracteur. L’image de l’agricultrice a également changé. Elle est perçue comme une gestionnaire d’exploitation avec un rôle très important qui échappe au cliché de l’agriculture traditionnelle. La transmission de père en fils reste une valeur forte avec une passation des savoirs, des valeurs familiales, etc. Mais c’est aussi une image se modernisant car les Français ont conscience que de nouveaux exploitants ne sont pas forcément issus du monde agricole.

D.M : L’agriculteur vit mal les attaques des lobbies anti-agricoles et des associations qui sont contre une certaine forme d’agriculture. Ces derniers font souvent des actions spectaculaires à grand renfort de communication. Les exploitants ne perçoivent alors que cette vision mais il faut qu’ils passent au-delà car l’image des consommateurs est beaucoup plus nuancée.
De quoi ont peur les Français par rapport à la modernisation de l’agriculture ?
D.M : Pour nourrir 9 milliards d’hommes en 2050, on est obligé de changer d’échelle de production. Mais les consommateurs ont peur dans l’avenir à cause des crises alimentaires, économiques, sociales… Dans nos sociétés on a beaucoup de principes de précaution instruits par les catastrophes sanitaires de ces dernières années et conditionnés par certains discours. La crise de l'ESB a été déterminante dans la construction des mentalités. La grippe aviaire, la fièvre aphteuse… Autant de maux qui laissent un doute sur l’avenir. Les OGM restent également très controversés. Tout ce qui ressemble à de l’industrialisation agricole suscite des soupçons. C’est une vision nostalgique du monde. Les consommateurs n’ont pas perçu à quel point l’agriculture était encrée dans la mondialisation.

D.M : C’est aux médias, aux acteurs des filières agricoles, aux syndicats, aux associations d’expliquer pédagogiquement et simplement l’agriculture. Les consommateurs ne font pas suffisamment la relation du champ à l’assiette. C’est autour d’un repas qu’on partage des valeurs, des idées et qu’on doit s’interroger sur ce qu’on mange. La preuve : les mots bien manger, 400 fromages de France, alimentation ont la côte. Les Français restent attachés à leur terroir et leur gastronomie. Rapprocher agriculteurs et consommateurs devient nécessaire. Un équilibre est à trouver entre produire plus, mieux et moins cher. Avoir conscience des préjugés, des forces mais aussi des faiblesses du monde agricole sont des points importants à maîtriser pour valoriser l’image de l’agriculture.
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