Le syndicalisme agricole face aux défis multiples
A l’occasion du 70ème congrès de la FNSEA qui se tient cette année à Laval, retour sur les avancées de plusieurs décennies de syndicalisme agricole, dans un contexte où les agriculteurs de moins en moins nombreux doivent faire face à une concurrence mondialisée.Voté lors du congrès constitutif de la FNSEA le 14 mars 1946, le «serment de l’unité paysanne» que le premier président de la FNSEA, Eugène Forget, a fait adopter, répondait à la volonté des agriculteurs de parler d’une seule voix face aux pouvoirs publics, affirmant par la même occasion l’autonomie du syndicat agricole vis-à-vis du domaine politique. Le but, défendre collectivement les intérêts des paysans, n’a pas changé depuis l’apparition des premiers syndicats agricoles à partir 1883, mais si ces derniers se cantonnaient au service (achats et ventes groupés, caisse de mutuelle accident, mortalité de bétail et incendie…), la FNSEA doit, en cette période d’après-guerre, accompagner un défi de taille : non seulement rétablir et développer la production agricole française, mais la moderniser.
Modernisation
Le besoin de représentativité du monde agricole est d’autant plus fort que dès l’entre deux guerre, l’écart avec les conditions de vie des urbains ne cesse de se creuser, initiant un sentiment de déclassement et de délaissement chez les agriculteurs. Les disparités de revenus qui s’accentuent vis-à-vis des autres catégories socioprofessionnelles font d’abord porter le combat syndical sur les prix avant de s’étendre, sous l’influence du Centre national des jeunes agriculteurs et des leaders formés par la JAC, comme Michel Debatisse, à un projet plus global de modernisation de l’agriculture. Progressivement, le syndicalisme agricole fait pression auprès des pouvoirs publics pour obtenir des moyens importants en faveur du développement de l’agriculture, cette dernière amorçant un tournant majeur avec les lois d’orientation de 1960 et 1962 qui instaurent une politique sociale, une politique des structures, organisent les productions et les marchés, grâce aussi à l’implication du ministre de l’Agriculture, Edgard Pisani. Un peu plus tard, le syndicalisme agricole obtient, dans les années 1970, la mise en place de la Dotation jeune agriculteur (DJA), de la politique de la montagne et de la compensation des handicaps naturels. Sous l’impulsion de la FNSEA, les lois du 31 décembre 1970 relatives au statut des baux ruraux à long terme et aux groupements fonciers agricoles (GFA) favorisent l’incitation au développement du marché locatif, face à l’augmentation des investissements nécessaires pour s’installer ou s’agrandir.
Agriculture et ruralité dans un marché mondial
Si le Traité de Rome étend le marché commun à l’agriculture, offrant ainsi des perspectives à l’agriculture française, il oblige en effet le secteur à une meilleure organisation des marchés et des producteurs. L’essor du développement agricole est freiné à la fin des années 1970 par la crise économique et le changement de paragdime. La sécheresse de 1976 donne lieu, de son côté, à un fort élan de solidarité du syndicalisme agricole (opération paille). Malgré une manifestation de grande ampleur à Paris, le 23 mars 1982, réunissant 120 000 agriculteurs en faveur de l’unité, un pluralisme syndical émerge au milieu des années 1980. Pour soutenir les agriculteurs dans leur conquête de nouveaux marchés, la FNSEA défend la compétitivité des entreprises agricoles, question en partie traitée dans la loi de modernisation de 1980, et s’attache à maintenir les avantages de l’agriculture française sur le marché européen, notamment dans la réforme de la PAC. Parallèlement, avec l’accélération de l’exode rural des années 1960-1980, le syndicalisme doit aussi défendre le monde agricole face au pouvoir de plus en plus puissant des consommateurs. Un enjeu qui permet d’ailleurs à la FNSEA de rassembler, à la fin des années 1970, presque trois-quarts des exploitations agricoles françaises, un record de représentativité jamais égalé par les autres syndicats en France. Au-delà de la défense des agriculteurs, c’est aussi celle du monde rural à laquelle s’attache le syndicalisme, à l’exemple de la manifestation du Dimanche des Terres de France, qui réunit 300 000 personnes à Paris sous le slogan «pas de pays sans paysans», en septembre 1991.
Renouer les liens avec la société
Dans le prolongement de ce combat, c’est le rôle économique, social et environnemental de l’agriculture qui doit aujourd’hui être défendu, alors que le nombre d’exploitations agricoles françaises, autour de 500 000 aujourd’hui, a été divisé par cinq depuis 1945. Devant les difficultés économiques auxquelles font face de nombreuses filières, une partie de la réponse, la revalorisation des prix, passe désormais par une meilleure considération du travail de l’agriculteur de la part de la société. En amont de la chaîne alimentaire, le producteur a besoin de reprendre la main sur la valeur de ses produits, et un travail de fond reste à mener au niveau de l’organisation des filières. Parallèlement le syndicalisme agricole devra aussi s’ouvrir davantage à des consommateurs qui ont majoritairement perdu contact avec le monde rural et sont très demandeurs d’une alimentation de qualité, respectueuse de l’environnement. Le projet serait d’autant plus fédérateur qu’avec les crises alimentaires de ces dernières années (vache folle, lasagnes de cheval…), la demande sociale pour une agriculture de proximité se fait de plus en plus forte.
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