Bien-être des poulets : une réglementation aux contours encore flous
A quelques jours de son entrée en vigueur, la directive bien-être du poulet de chair présente encore des incertitudes. Basées sur un critère de densité, des dérogations sont possibles à condition de ne pas dépasser un seuil de mortalité.
30 juin 2010. C’est la date à laquelle la directive européenne sur le bien-être des poulets de chair doit être transcrite en droit français pour application immédiate. Le CRAVI a réuni le 3 juin dernier éleveurs et organisations professionnelles pour présenter cette nouvelle réglementation aux contours encore flous.
Des seuils de densité progressifs en fonction des résultats de l’élevage
Si les normes bien-être en poules pondeuses reposent sur des obligations de moyens, celles en poulets de chair reposent sur des obligations de résultats. Ainsi, les élevages de plus de 500 poulets pourront élever à l’instant «t» 33 animaux/m2 à condition d’atteindre une bonne qualité de litière, de respecter un programme lumineux, et qu’à l’abattoir ne soient pas détectés de signes de carence du bien-être. Le jeune éleveur devra aussi être en mesure de justifier d’une formation spécifique en aviculture.
Des dérogations sont possibles pour atteindre deux autres plafonds de chargement de 39 kg et 42 kg par m2, sous réserve du respect d’exigences complémentaires. Pour obtenir une dérogation à 39 kg, il faudra être en dessous de certains seuils en ammoniac et en dioxyde de carbone, la température et l’humidité dans le bâtiment devront également respecter certaines normes. Pour obtenir une dérogation de production entre 39 kg et 42 kg/m2, la directive impose la conformité à plusieurs critères dont le plus important est le taux de mortalité. En revanche aucune dérogation ne sera accordée pour dépasser le seuil des 42kg/m2 produits à l’instant «t».
Encore des incertitudes sur les modalités de contrôle
Certaines modalités de contrôle restent à définir. Comment par exemple seront détectés les signes de carence du bien-être à l’abattoir. S’agit-il de lésions, de pododermatites… ? Comment seront-ils mesurés et par qui ? De même, on ne sait pas encore de quelle manière sera mesurée l’ambiance dans les bâtiments. Y aura-t-il une tolérance dans le calcul du seuil de mortalité ou la réglementation sera-t-elle appliquée stricto senso ? Quelle sera la densité de départ autorisée ? Et surtout, chacun compte sur l’obtention d’une dérogation pour garder un minimum de rentabilité de son atelier. Pourtant, à l’heure actuelle on ne connait pas la procédure à suivre pour une demande de dérogation. En attendant, la plupart des organisations de production se préparent à l’échéance du 30 juin 2010, en informant leurs éleveurs et en auditant leurs bâtiments pour vérifier leur conformité en termes d’équipement et de normes d’ambiance.
Estimation des conséquences technico-économiques pour la filière
Selon l’enquête avicole des Chambres d’Agriculture, sur l’exercice 2008-2009 (NDLR : les enquêtes 2010 sont en cours pour y participer contacter le 03. 23.22.51.11), 27 % des lots enlevés en une seule fois sont
à une densité supérieure à 42 kg/m2. En revanche, les élevages qui pratiquent les enlèvements multiples dépassent rarement 39 kg/m2 à un instant «t». Mais cela sous-entend d’avoir un marché pour les petits poulets ainsi qu’une organisation logistique et des équipements d’abattage adaptés. C’est d’ailleurs le point fort de notre région. D’ailleurs il semble que ce plafond de 39 kg/m2 ne pose pas trop de problèmes aux éleveurs. Toute la difficulté porte sur le seuil des 42 kg/m2 subordonné au taux de mortalité journalier cumulé (3,46 % à 41 jours). Si la mortalité des tous premiers jours d’élevage est reconnue comme n’étant pas du fait de l’éleveur, de nombreux éleveurs pourraient maintenir leur niveau de production. En revanche, si ce n’est pas le cas, on peut s’attendre à une baisse de revenu de 3,60 euros/m2/an et à une perte pour la filière de 27 millions d’euros. On comprend donc tous les enjeux que pose la directive bien-être, et les responsables professionnels se battent au sein du groupe de travail mis en place par la DGAL pour que l’administration tienne compte des problèmes d’interprétation soulevés par la transposition du texte européen en droit français.