L'Agriculteur de l'Aisne 05 novembre 2010 a 11h19 | Par Gaetane Trichet

2010, une meilleure que 2009, mais toujours avec des zones d’ombre

Les responsables des organismes agricoles se sont retrouvés le 22 octobre à Samoussy pour la réunion conjoncture de CER France Nord-Est-Ile-de-France.

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Jean-François Capelle
Jean-François Capelle - © l'agriculteur de l'aisne

Eric Verjot, directeur de CER France Nord Est - Ile-de-France a, dans un premier temps, rappelé la qualité  du travail de prospective économique  réalisé par ses conseillers. En effet, les chiffres avancés l’an passé à la même époque  sur l’incidence de la récolte 2009 dans les résultats économiques et comptables, étaient malheureusement réalistes.
En introduction de la réunion conjoncture et pour donner le ton de l’après midi, il proposait de retenir trois mots pour qualifier les résultats 2010 : «hétérogénéité, espoir et prudence».
François-Xavier Thirard a ensuite fait le point sur les marchés 2010 en commentant courbes et tableaux. «On pouvait craindre une deuxième année consécutive de mauvais résultats. Pourtant, un retournement de conjoncture des matières premières agricoles s’est produit à l’été alors que personne ne s’y attendait finalement. Par ailleurs, les conditions climatiques peu favorables du printemps n’ont pas eu autant d’effets négatifs que l’on pouvait craindre sur les rendements des céréales. Le marché des céréales a explosé courant juillet, les principaux concurrents mondiaux ayant subi des dégâts aux cultures». Le prix du blé sur le marché à terme est passé de 150 euros/tonne fin juillet à 217 euros/tonne mi-août. Le contexte laitier est quant à lui resté tendu avec la dénonciation de l’accord du prix 2009 par certains industriels. Le prix de la viande bovine a stagné, voire baissé alors que les coûts alimentaires sont toujours élevés, amputant les marges déjà faibles de ces ateliers. Du côté des marchés porcins, la crise n’en finit plus. La fin d’année risque d’ailleurs d’être encore difficile avec des prévisions d’érosion de prix suite à un engorgement des marchés et pour ces élevages aussi, des coûts alimentaires en hausse.

Eric Verjot
Eric Verjot - © l'agriculteur de l'aisne

Les EBE 2010 devraient augmenter

Dans l’Aisne, les EBE devraient augmenter en moyenne. A titre d’exemple, une exploitation polyculture type saint-quentinois verrait  son EBE/ha passer de 412 euros en 2009 à 663 euros en 2010. Pour le secteur Guise, de 363 euros à 574 euros. Autre exemple, dans le secteur Tardenois, l’EBE passerait de 288 euros/ha à 564 euros/ha. Sur Montcornet, les écarts seraient flagrants avec 253 euros/ha en 2009 contre 602 en 2010. Du côté des exploitations mixte-polyculture, on note 845 euros/ha en 2010 alors que 2009 n’affichait que 508 euros avec une production laitière. Pour le Tardenois, avec une production vache allaitante, CER France note un EBE 2009 à 286 euros/ha qui passerait à 506 euros/ha en 2010 mais avec une hétérogénéité importante dans les résultats en fonction de la part des différentes productions dans ces systèmes. Pour les systèmes mixtes et laitiers spécialisés, une baisse d’environ 15 % sur les charges d’approvisionnement a été constatée dans les cas où la production végétale est majoritaire. Dans le cas contraire, c’est une hausse de 5 à 13 % qui ressort !

En  résumé, les résultats 2010 remonteraient en moyenne de 200 à 350 euros/ha en polyculture, et de 120 à 250 euros/ha en système mixte et laitiers spécialisés. Pour les exploitations à dominante laitière ou viande, les résultats dépasseront difficilement 200 euros/ha ce qui génère pour les trésoreries fragiles, des situations économiques et financières toujours compliquées. «On ne verra pas tout de suite les bénéfices 2010 sur les trésoreries car les achats d’engrais 2011 sont déjà en cours» a annoncé François-Xavier Thirard. «Nous pensons que le prix des engrais sera plus élevé de 30 % en moyenne sur 2010-2011. En revanche, les cotisations sociales des exploitants devraient diminuer». Il est donc essentiel une fois de plus que les prix des cours se maintiennent pour 2011. Une gestion optimale de l’exploitation est donc recommandée, en particulier la connaissance de son coût de production et son seuil de commercialisation (voir encadré).


Epargner les bonnes années pour pallier les mauvaises : l’idée du «PEI»

Même si les cours ont repris un peu de vigueur, les nuages amoncelés sur l’agriculture l’an passé sont toujours présents en 2010 : réorientations des aides, marchés libéraux, volatilité,… Pour Jean-François Capelle, président de CER France Nord Est - Ile-de-France, c’est un fait, il faut inclure définitivement ces  éléments dans la gestion de son entreprise. Oui, mais comment ? Pour le président, quelques solutions peuvent être mise en oeuvre  comme la diversification de l’assolement, la contractualisation, le développement de la capacité de stockage, l’utilisation des marchés financiers.
Jean-François Capelle a également proposé le PEI (plan d’épargne investissement). En effet, pourquoi ne pas mettre de l’argent de côté les bonnes années en franchise d’impôt et de cotisations sociales et le réintégrer les mauvaises, ou encore l’utiliser pour l’achat de matériel, argumentait-il. Des achats qui se font souvent aujourd’hui en fonction du taux d’imposition. «Le système fiscal français pousse au surinvestissement par exemple, mais l’agriculteur rembourse sur plusieurs années, et lorsque les prix ne sont pas là, il peut rencontrer des problèmes de trésorerie. Bien sur, il existe déjà la DPI (dotation pour investissement), mais c’est un système qui incite plus à une gestion fiscale de l’investissement qu’à l’épargne. Et la DPA (dotation pour aléa), mais les conditions de mise en oeuvre sont tellement complexes et limitatives qu’elle est peu utilisée. L’idée serait donc de regrouper DPA et DPI en un seul PEI avec des règles beaucoup plus souples d’utilisation». Dans sa démonstration, le président Capelle estime que ce PEI doit avoir trois usages propres : le premier, consolider les fonds propres de l’entreprise, le deuxième, permettre d’investir dans le matériel, et le troisième, pouvoir utiliser les sommes engrangées pour investir dans l’amont ou dans l’aval de façon à développer les capitaux consacrés à l’agriculture et à ses outils. Alors le PEI ? Utopiste ? Après tout, il existe bien le PER (plan épargne retraite), le PEL (plan épargne logement), le PEE (plan épargne entreprise), le PEA (plan d’épargne en actions). Il existe aussi maintenant la possibilité de déduire de l’ISF les sommes investies dans les PME. Pourquoi ne pas plutôt privilégier l’investissement dans le secteur agricole qui a besoin de capitaux très importants pour se développer et faire face à la concurrence mondiale.

Connaître le seuil de commercialisation et son coût de production pour élaborer une stratégie gagnante

«Volatilité des prix, baisse des soutiens publics, augmentation des charges, interrogation sur la PAC 2013, accès au marché à terme… font partie du contexte actuel qui pèse lourd sur les exploitations. L’agriculteur doit rémunérer ses facteurs de production, assurer la pérennité de son entreprise tout en la rendant plus compétitive» a expliqué Thierry Lemaître. Pour cela, «il faut connaître ses coûts de production» assurait-il. Aujourd’hui, les volumes de production ne sont pas maîtrisés, il existe une interaction entre l’efficience des ateliers ou des productions et une confusion dans la rémunération du travail et du capital. «L’interprétation des résultats doit être réaliste, objective et prospective».
Thierry Lemaître a expliqué que le seuil de commercialisation et le prix de revient étaient basés sur deux notions différentes dans le temps et dans l’approche méthodologique, mais qu’elles restaient très complémentaires.  Pour lui, le seuil de commercialisation est le niveau à partir duquel la vente des produits couvre l’ensemble des engagements financiers et des besoins personnels que l’agriculteur considère devoir être couvert par l’activité agricole. Autrement dit, il faut tenir compte des contrats déjà passés et du prix de marché.
Le coût de production, c’est le prix ramené à l’unité de l’ensemble des facteurs de production nécessaires pour l’élaboration et la commercialisation des biens, et engagés pour une durée de fabrication prévisionnelle. En clair, les notions de charges exclusivement  (charges proportionnelles, foncières, main-d’oeuvre, mécanisation, frais généraux, charges financières) doivent être retenues pour calculer le prix de revient.
Ce prix de revient est un outil d’analyse économique sur le long terme, d’analyse du fonctionnement de l’entreprise, et il permet d’élaborer des stratégies d’équipements et ou des choix de production. «Attention, un prix de revient établi sur des standards ne présente aucun intérêt et peut conduire à de graves erreurs d’interprétation» prévenait Thierry Lemaître, précisant également que les aides (DPU, subventions…) doivent être intégrées dans les conclusions. «Etablir son coût de revient permet à l’exploitant de bien gérer sa société, donc vendre, acheter, produire tout en connaissant parfaitement son entreprise et son fonctionnement» a-t-il conclu avant de faire un point sur la PAC 2013.
A ce titre, il a rappelé que la commission suggère désormais  d’orienter une partie des aides vers une notion «rémunération de biens publics» pour répondre aux attentes de la collectivité. Un dossier à suivre de prêt et sur lequel les dirigeants de CER France Nord Est – Ile de France restent en veille permanente.

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